Rock 'n' Work

Deux semaines seulement. Cela faisait uniquement deux semaines que Lena travaillait à la morgue du commissariat. Suivre à la fois une formation avec les cours et "sur le terrain" permettait à Lena d'avoir moins d'années à faire pour ses études de légiste. Ainsi, dans deux ans, elle pourrait officiellement dire qu'elle était médecin légiste.

Alors qu'elle était de garde cette nuit, Lena avait reçu le corps d'une jeune fille qui devait avoir son âge, un ou deux ans de plus peut-être. Lena avait autopsié la jeune femme d'une façon très détachée, comme toujours. Elle prenait toujours soin de ne pas se laisser envahir par ses émotions dans ces moments-ci.

C'était sept heures plus tard. On était au petit matin. En vérité, il était déjà dix heures. Assise au bureau à compléter le rapport d'autopsie, Lena avait dans les oreilles les écouteurs de son baladeur MP3 qui hurlait une musique destinée à la garder éveillée encore un peu. Elle était debout depuis 26 heures, et le sommeil finirait par se faire sentir. Mais pour le moment, elle remplissait le rapport qu'elle ferait bien sûr oralement au premier inspecteur qui passerait se charger de cette affaire.

Après avoir bu mon café et fumé ma clope du matin, je suis montée au troisième étage, à la Morgue... joyeux comme début de journée, n'est-ce pas? Malheureusement, il faut bien parfois... Je m'avance donc jusqu'à la porte métallique je pousse doucement. Je vois alors Lena, assise, son baladeur sur les oreilles. Je souris légèrement, cette jeunette est une vraie pile, comme on dit. Je me suis toujours demandé pourquoi elle faisait ce boulot d'ailleurs...

Salut! Alors, qu'est-ce que tu as pour moi aujourd'hui?

C'était glauque de dire ça comme ça mais bon... quand la routine vous tient...

Bien qu'asourdie par la musique que j'écoutais, j'avais vu la porte de la morgue en train de s'ouvrir alors que je relevais un peu la tête pour bailler. Vivement que je puisse retrouver mon lit, les gardes de nuit après des jorunées de cours, c'est plutôt dur à enchaîner. Alors que l'inspecteur Tyrell s'approchait de moi, j'éteignais mon baladeur, je finirais sourde un autre jour. Qu'avais-je pour elle ? Je repensais à l'autopsie de cette femme qui devait avoir mon âge, ou deux ans de plus au grand maximum. Je finis d'écrire mes conclusions et me levais, souriant faiblement à cause de ma fatigue.

Salut. Un autre corps malheureusement.

Je me dirigais vers les frigos, je n'aimais pas les appeler ainsi, mais c'était là que les corps se trouvaient. J'ouvris une des portes et fis coulisser la table sur laquelle le corps d'une jeune femme était allongée.

Jeune femme, entre 20 et 25 ans. Cause de la mort, hémorragie interne. Plusieurs organes ont été perforés, elle présente des marques de défense sur les bras. Elle a probablement été battue à mort d'après les marques sur sa peau. Elle était probablement encore vivante lorsque ses agresseurs sont partis. Je dirai qu'elle a souffert une bonne vingtaine minutes avant de mourir.

Elle se lève et m'emmène jusqu'à la chambre réfrigérante de laquelle elle extirpe le corps d'une fille qui doit à peu près avoir son âge. Je grimace en voyant la pauvre fille allongée comme ça. Lena me fait le topo habituel et je note dans un coin de ma mémoire. Heureusement que j'ai une bonne mémoire, sinon je devrais me balader avec un calepin tout le temps et ça me lourderait à coup sûr ! Bref, les conclusions de Lena sont assez déprimantes et j'hoche doucement la tête.

Okay... rien d'autre? Pas de trace, d'élément insolite?

Il me fallait au moins quelque chose pour chercher un coupable... J'avais l'endroit, je devrais pas trop tarder avant de trouver l'identité de la victime, le plus important, c'était quand même de chopper ces salop*rds.

Elle m'écoute, elle est là pour ça en même temps. Je donne les informations que je trouve et elle retrouve les responsables. Chaque fois que je fais mon rapport oral, depuis deux semaines déjà que j'en fais, je m'étonne de rester aussi stoïque devant des évènements si navrants. Bref, j'ai marqué une pause, et je n'ai pas fini de lui révéler mes conclusions sur cette inconnue. J'espère tout de même qu'elle ne restera pas inconnue trop longtemps.

J'y viens. Il n'y aucune trace de rapport sexuel avant la mort. Ces marques au niveau de l'abdomen m'ont intriguée. Il s'agit de marques de talons de chaussures. Je dirai donc que les agresseurs sont des agresseuses. Et le vol ne doit pas être le mobile, puisque le seul effet personnel trouvé est un pendentif en or blanc.

Cette autopsie m'a semblée incroyablement longue. Sûrement parce qu'il était approximativement rosi heures du matin lorsque j'ai fini et que j'ai besoin de dormir un peu.

Je me mets à réfléchir à toute vitesse, examinant silencieusement toutes les possibilités qui s'offraient à moi. Je fronçais les sourcils, par que très concentrée. Finalement j'ai relevé la tête vers Lena en poussant un léger soupire. Ca m'avançait mais tant que ça à vrai dire. Je n'aime pas qu'on me mache le boulot, c'est vrai, mais bon...

Je peux avoir le pendentif?

C'est une pièce à conviction. Ca m'aidera probablement au cas où. Maintenant, il me fallait des empreintes et une identité!

J'acquiessais d'un signe de tête accompagnant mon geste d'un "bien sûr". Je laissais le corps et me dirigeais vers le tiroir dans lequel je mettais toujours les pièces à conviction récupérées, bien rangées et classées bien entendu. Je sortais donc ce que l'inspecteur me demanda. D'après moi, ce petit bijou devait coûter une petite fortune tout de même.

Le voilà, dis-je en lui remettant le seul effet personnel de cette inconnue.

Je ballais encore, décidément, une fois que j'aurai fini je rentrerais vite chez moi pour dormir. Je m'excusais pour mon baillement et donc ma fatigue qui semblait pourtant apparente.

Elle a acquiescé. De toute manière, elle n'allait pas refuser! Quelques secondes plus tard j'avais donc le petit sachet en plastique qui contenait le médaillon en main. En effet, joli médaillon. Pas commun ces objets-là, je devrais réussir à en tirer quelque chose. J'ai vu que Lena baillait. Elle avait dû être de garde. J'ai regardé la grosse horloge suspendue au-dessus de la grande porte. L'autre légiste ne devrait pas trop tarder à venir prendre le relais.

Tu as cours aujourd'hui?

Avec cette affaire, j'ai pas envie de me prendre la tête tout de suite. Alors une rapide discussion ne me fera pas de mal! Et puis je n'ai jamais vraiment parlé avec Lena. On se croise, c'est tout. Je sais qu'elle est étudiante et que son boulot ici lui épargne quelques années de fac...

C'était la première fois que l'inspecteur Tyrell me parlait d'autre chose d'une victime. Mais je n'étais là que depuis deux semaines, et même si l'on s'était déjà pas mal croisé, et que l'on avait discuté à propos des corps, elle savait quelques petites choses sur moi. Par contre, je ne devais pas svoir grand chose sur elle.

Heureusement, non. Je suis debout depuis hier, huit heures du matin. Je rêve de mon lit.

Il fallait l'avouer, bien que je veuille être médein légiste, si j'avais eu cours aujourd'hui, je m'y serais endormie tout simplement. Une chance donc qu'aujourd'hui, il n'y ait pas de cours. Je pourrais dormir un peu, j'étudierais et seulement demain j'irai en cours.

Je souris, un peu rassurée qu'elle n'ait pas à aller en cours dans cet état. Elle a vraiment l'air claquée. Je la comprend, quand on occupe une place comme la sienne ou la mienne, le dodo, c'est pas la priorité du patron. Sauf si on tombe littéralement de sommeil. Je ne sais plus à qui c'est arrivé la dernière fois, mais même quand ce flic est tombé, le patron n'a pas éprouvé un soupçon de remord. Il est cruel... c'est dur la vie au commissariat, je vous jure! Bref, je me reconcentre sur Lena et affiche un sourire compatissant.

Moi j'ai la chance d'avoir des enquêtes courtes en ce moment. Je peux dormir paisiblement et régulièrement mais j'ai comme l'impression que ça ne va pas durer...

J'ai mis le petit sachet qui contenait le médaillon bien en évidence. En effet, cette affaire, je ne la sentais pas vraiment...

Je fis un signe de tête à l'inspecteur. Ca me semblait tout aussi bizarre c'est histoire. Un règlement de compte peut-être, m'enfin je n'étais pas là pour résoudre les affaires, juste là pour faire parler les morts. Faire parler les morts... ça sonnait un peu étrange dit de cette manière. Surtout que lorsque je leur parlais, ls étaient dans l'impossibilité de me répondre. Soit.

Je veux bien y croire. Et ce n'est pas le patron qui nous laisserait dormir.

Même s'il m'arrivait d'être au bout du roulot, je trouvais toujours un moyen de rester éveillée, comme la musique de tout à l'heure. Mais j'étais quelque peu septique. M'enfin, je trouverais bientôt mon rythme et je n'aurai plus de problème avec le sommeil, du moins c'est ce que j'espère.

J'ai souri. Ca c'est sûr, le patron s'en fout, il sait qu'on donne des résultats même les yeux fermés! Bon j'ai regardé à nouveau l'horloge au-dessus de la grande porte. Mon enquête ne pressait pas à la seconde mais bon...

En tout cas, je te souhaite une bonne sieste miss! Tu as l'air d'en avoir bien besoin!

Je lui ai glissé un clin d'oeil et un sourire gentil avant de commencer à partir à reculons.

Alors que je rangeais le corps de cette pauvre fille et que je refermais la porte de la chambre réfrigérante, l'inspecteur Tyrell se devait d'y aller. Je lui lançais un bref "merci". Il me fallait encore attendre une bonne vingtaine de minutes avant de voir l'autre légiste arriver. Il n'allait pas se presser, comme tous les matins. Il commençait toujours par un passage à la cafet'. Je retournais au bureau, termina de remplir le rapport, que je classais par la suite. J'avais sommeil, et afin de ne pas succomber, je repris mon baladeur et mis de nouveau une musique qui m'empêcherait de dormir.